samedi 7 avril 2012

Les faux autographes sont-ils nombreux ?

Pour rebondir sur l'affaire Vrain-Lucas, et pour répondre à la fameuse question : existe t-il beaucoup de faux autographes ? Je reviens cette fois-ci avec quelques éléments de réponse.

Thierry Bodin, libraire-autographe réputé, expert près de la Cour d'Appel de Paris avait déjà abordé cet épineux sujet lors d'une conférence en 1997 donnée à Bourges. Pour commencer les faux peuvent être divisés en deux catégories : les fac-similés et les faux en écriture.

Fac similé d'un billet autographe de Louis XVI
Selon Thierry Bodin "les faux surgissent régulièrement sur le marché". La majeure partie est constituée par l'héritage des faussaires du XIXe siècle même si l'on connait quelques faux De Gaulle. Certains fac-similés posent de gros problèmes aux experts. Au milieu des années 70, une banque française avait offert à ses clients une magnifique reproduction d'une célèbre lettre de Charles Baudelaire. Quelques années plus tard, raconte Thierry Bodin, "A peu près chaque mois quelqu'un retrouve dans son grenier - en jurant qu'elle était pieusement conservée depuis près d'un siècle par son arrière grand-mère - cette lettre de Baudelaire. Pendant longtemps, je demandais à voir l'original, espérant bien qu'un jour ou l'autre la vraie lettre finirait par réapparaître. Finalement j'ai trouvé la lettre originale; je l'ai achetée; et maintenant je suis sûr que toutes celles qu'on me propose sont effectivement des fac-similés".

Fac similé d'une partition musicale de Mozart
Néanmoins, existe t-il tant de faux autographes que ça ? Est-ce si rentable pour un faussaire comparativement à un tableau ou un meuble qui rapporteraient eux beaucoup plus ? Alain Nicolas dans son ouvrage Les Autographes (Maisonneuve & Larose, 1988), semble penser le contraire. Si les autographes n'ont pas échappé à la cupidité des faussaires, "l'amateur doit cependant être rassuré : leur nombre est insignifiant, surtout si on le compare au nombre de faux rencontrés parmi les dessins, les tableaux, les meubles et autres antiquités".

Des faux "surgissent régulièrement" (Bodin) mais "leur nombre est insignifiant" (Nicolas)... les experts ont du mal à s'accorder. Ce qui est sûr c'est qu'ils existent. Cependant grâce aux compétences des experts et des marchands parisiens (qui ont vu défiler sous leurs yeux des milliers de documents), beaucoup de ces faux ont été retirés du marché ou sont connus. D'ailleurs cette compétence et cette expertise sont un gage d'authenticité. Rien ne vaut l'achat chez ces experts qui vous rembourseront si par accident votre autographe est un faux (code de déontologie du SLAM, le Syndicat Nationale de la Librairie Ancienne). Je conseillerai toujours aux collectionneurs de lettres autographes d'aller rendre visite à Thierry Bodin, Alain Nicolas, Jean-Emmanuel Raux, Nathalie Demarest, Frédéric Castaing ou à Jacques Henri Pinault pour ne citer que les vendeurs les plus connus (même si on peut débattre sur les prix pratiqués quelquefois, mais c'est un autre sujet).

Les méthodes qui consistent à garantir l'authenticité des autographes sont nombreuses. Concernant les fac-similés, Etienne Charavay (successeur de son père à la tête de la célèbre Maison Charavay, la plus ancienne librairie autographe du monde) dans son ouvrage Faux autographes : affaire Vrain-Lucas (1870), donne un moyen de vérification : "On prend un acide, de l'eau de javel par exemple, qui attaque l'encre ordinaire mais laisse intacte l'encre d'imprimerie. On fait l'épreuve sur une lettre de la pièce en suspicion : si l'acide enlève l'encre, la pièce est originale. Dans le cas contraire, c'est un fac-simile". La méthode semble bonne même si elle parait un peu brutale et dangereuse pour l'intégrité du texte.

Pour les faux en écriture, seul un œil exercé et vigilant peut déceler la supercherie. Déjà, l'examen du papier est primordial. Il doit être contemporain du supposé rédacteur ou signataire. Les faussaires arrachent parfois des feuilles tirées des livres anciens. Mais les formats de ces feuilles sont parfois inusitées au regard de l'époque à laquelle la lettre a été rédigée. L'encre est aussi un révélateur. Avec le temps, l'encre prend une couleur particulière prenant un ton jaune ou marron clair. "Une encre parfaitement noire sur une lettre qui daterait de plusieurs siècles pourrait faire douter de son authenticité" (Alain Nicolas).
Les traces de grattage sur le papier peuvent aussi laisser suspecter un vol (tentative d'effacer le cachet d'une bibliothèque ou des archives publiques). L'étude du contenu du document révèle parfois des anomalies (erreurs historiques, confusions de noms, anachronismes...).
Enfin, une bonne loupe reste un outil fort utile. Une écriture imitée est souvent retouchée et ces dernières sont facilement détectables.

Cet article n'étant pas exhaustif (faute de temps...), je reviendrai sur d'autres méthodes susceptibles d'aider les amateurs.









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